lirecapvert.org
"N'oubliez pas vos doutes... Méfiez-vous! L'esprit de celui qui croit est un esprit qui stagne. Il ne se développe pas vers l'extérieur, dans un univers infini."
Frank Herbert, Les hérétiques de Dune
Cabo Verde, ou quand le Gouvernement MpD persiste et signe à nier la réalité (2025)
Par où commencer, tant il y a d'informations en ce premier mois de l'année concernant les "bonnes décisions" du gouvernement d'Ulysses Correia e Silva ? La situation mondiale nous a accaparés (en plus de notre propre travail), mais ce n'est pas pour autant qu'on n'a pas gardé un oeil grand ouvert sur l'archipel tant apprécié.
Alors voici ce que l'on peut dire de ces trois premières semaines politiques : le MpD se masturbe le bourrichon à jouer à l'autruche, la tête dans le sable, promet mais ne tient pas, blablate encore et encore devant les médias et nous ennuie, tuant la politique et la démocratie. Aïe ! C'est pas bon ça !
Le peuple, lui, est toujours plus en colère.
Et pourtant, une lueur d'espoir se profile, vive et, qui sait, peut-être source de véritable renouveau pour un futur meilleur !
MpD, une politique du blabla qui pourrit tout
Alors, non, nous ne sommes pas adhérant du PAICV, pas plus que du MpD ou de l'UCID... On est juste amoureux du Cabo Verde et de son peuple généreux, pauvre mais noble, et qui a beaucoup à apporter au reste du monde.
Si on critique autant Ulysses Correia e Silva et sa vision du monde et de la politique locale, c'est parce qu'elle va tellement à contre-sens du bon sens populaire que se taire serait criminel.
Aussi, après une défaite quasi légendaire du MpD aux dernières élections municipales, que les hauts-dirigeants du parti néo-libéral se sont bien gardés de commenter à travers les médias, ce qui montre à quel point ils ont été pris de cours et à quel point cela a été une débacle, ceux-ci ont décidé de retourner au combat, ou plutôt de passer outre. Car pensez-vous qu'ils se soient remis en question ? Pas d'un chouilla. Après le choc et une petite réunion pour pleurer ensemble sur leur pauvre triste sort, ils n'ont fait que reprendre leurs bonnes vieilles habitudes. Pour preuve, le 08 janvier 2025, le secrétaire démissionnaire (ouf, enfin !) du MpD, Luís Carlos Silva, a fait une déclaration qui a elle seule montre à qu'elle point la langue de bois est maîtrisée du côté du MpD. On cite l'article de AV/AA paru sur le site d'Inforpress, l'agence de presse gouvernementale cabo-verdienne, et intiulée "MpD ambiciona vitória em 2026 e reforça compromisso com soluções para o país - secretário géral" (web):
"O MpD está de boa saúde, é um partido democrático que vai naturalmente adaptar-se aos novos tempos e vamos cumprir com a nossa ambição que é voltar a ganhar as eleições legislativas de 2026.”
En France, on appelle cela la méthode Coué. (web) Il suffit de dire "on va gagner", de s'en convaincre et qui sait, on va peut-être gagner. Enfin! Ca permet surtout de se retrancher de la déplaisante réalité qu'on refuse de voir, d'entendre, de vivre.
Mais ce qui nous dérange le plus, c'est surtout cet incessant balai de blabla politique face aux médias nationaux qui ne sert à rien et ennuie tout le monde. Sincèrement, excusez la vulgarité du propos, mais qu'est-ce qu'en a à fiche le peuple de savoir que le MpD se lave le cerveau, se remonte le moral à coup de "on va gagner en 2026", alors que le même peuple lui a clairement signifié aux dernières municipales que cette vision était loin d'être envisageable. Ce serait même plutôt l'inverse.
Ce que veut entendre et ce qu'attend le peuple, ce sont des actions concrètes qui amélioreront ses conditions de vie, très difficiles actuellement au Cabo Verde pour une majorité de la population. Point barre. Ni plus ni moins. Eh bien ! Le croirez-vous ou non ? Le MpD continue a blablater à coup d'annonces médiatiques qui ne servent à rien.
L'adoption du PCFR à l'unanimité... TOUTE l'opposition non comprise
Un petit exemple parmi tant d'autre : le 22 janvier 2025, Inforpress publiait l'article "Parlamento: Primeiro-ministro apela à responsabilidade de protecção e fortalecimento da democracia cabo-verdiana". (web)
Et que nous déclare notre cher Ulysses durant cette session parlementaire dédiée à la "Protection et amélioration de la démocratie et de la bonne gouvernance" ? Tout d'abord, que "l'institutionnalisation d'un débat parlementaire annuel sur l'état de la démocratie cabo-verdienne, avec l'utilisation d'indicateurs de performance crédibles des institutions démocratiques, l'audition d'universitaires, d'experts et de représentants d'organisations de la société civile" est une "bonne étape".
Il faut dire que la version annuelle de performance des politiques cabo-verdiens proposée à l'international par Afrobarometer, par exemple, n'est pas à l'avantage de notre cher Premier ministre local. En effet, en 2024, 63% de la population de l'archipel estimait que "le pays va dans la mauvaise direction, soit une augmentation de 7 points de pourcentage depuis... 2019". Le 25 janvier 2025, Afrobarometer dévoilait que "Os Cabo-Verdianos avaliam negativamente o desempenho do Governo quer nas áreas sociais, quer na área econónmica" (web). mais pour le MpD, il ne fait aucun doute qu'il va quand même remporter les élections présidentielles et parlementaires de 2026. On en mourrait de rire si on le pouvait.
Et le 20 décembre 2024, Afrobarometer révélait déjà que "A maioria crescente dos cidadãos cabo-verdianos considerou emigrar", autrement dit plutôt partir que de vivre ici a espérer vainement une amélioration grâce aux politicien(ne)s. (web)
Donc, pour faire simple: une majorité des Cabo-Verdien(ne)s estime que le Gouvernement gère mal le pays et une même majorité toujours plus grande souhaite émigrer, MAIS Ulysses et ses amis MpD croient dur comme fer que leur politique est excellente pour le pays et que tout va bien parce que, eux, savent ce qu'il faut faire.
Mais revenons à notre discours du 22 janvier 2025. Ulysses a reconnu "la nécessité de renforcer l'attitude d'engagement parlementaire, pour que les réformes soient réalisées dans des conditions et des environnements qui garantissent la pérennité des solutions structurantes visant à améliorer la qualité de la justice et la confiance des citoyens dans la justice." Blablabla. Sauf que, le MpD ayant la majorité absolue et rejetant systématiquement toute idée qui n'émane pas de son comité directeur, eh bien, la confiance des citoyen(ne)s s'étiole toujours plus.
Prenons pour exemple le "Plano do cargo, funções e remunerações do Pessoal Docente" (PCFR) dont on a déjà passablement parlé dans nos précédents post it. Le 24 janvier 2025, ce dernier a été validé dans sa totalité par le Parlement, mais grâce au seul vote des députés MpD, majoritaire. L'opposition PAICV et UCID s'y est unanimement opposée. (web) C'est donc un passage en force sans concertation puisque notre cher Ulysse, après le veto imposé par le Président de la République, qui a ainsi refusé de valider ce PCFR, a décidé de le faire passer de force au Parlement où sa majorité absolue lui permettait de sortir gagnant quoi qu'il arrive.
On ne peut pas donc dire que l'on ait ici un exemple ni de parfaite démocratie ni de bonne gouvernance, ce d'autant plus que les syndicats majoritaires de professeur(e)s s'opposent fortement à ce nouveau PCFR (web), à l'exception de SIPROFIS qui est lui entré finalement dans le pur déni. (web)
Le Gouvernement insiste sur le fait que les salaires vont être grassement augmentés pour les professeurs au bénéfice d'une licence ou d'un diplôme supérieur, mais il s'abstient bien de dire ce qu'il a fortement diminué ou supprimé, ces éléments mêmes qui fâchent les professeurs et qu'il crée de nouvelles inégalités.
Pire encore, si le MpD s'enorgueillit de cette "victoire" politique au Parlement et de sa générosité pour ces salaires revus à la hausse, on est en droit de se poser des questions. En effet, nombre de professeur(e)s se plaignent depuis des mois que leurs salaires ne sont pas versés ou que l'INPS (la sécurité sociale et la retraite) n'a pas été payée par l'État, les privant des soins médicaux dont ils ont besoin.
- NA/ZS, "Ilha do Sal: professores com salários em atraso manifestam-se em frente à delegação escolar", inforpress.cv, 2025/01/24, en ligne (web)
- WM/HF, "São Nicolau: professores dizem estar a passar por situação difícil devido aos salários em atraso", inforpress.cv, 2025/01/24, en ligne (web)
- MGL/JMV, "Boa Vista: professores em Rabil suspendem aulas devido a salários em atraso", inforpress.cv, 2025/01/24, en ligne (web)
- anonyme, "São Nicolau: professores do ensino básico e secundário não recebem salários há quatro meses", anacao.cv, 2025/01/17, en ligne (web)
- Jorge Montezinho, "Professores cabo-verdianos queixam-se de atrasos nos salários e falta de segurança", expressodasilhas.cv, 2025/01/11, en ligne (web)
- André Amaral, "Sindicato dos professores exige esclarecimentos sobre falhas na previdência social", expressodasilhas.cv, 2025/01/08, en ligne (web)
- NA/HF, "Ilha do Sal: professores que leccionam na ilha pelo segundo ano exigem justificativas pelos atrasos no pagamento dos salários", inforpress.cv, 2024/10/07, en ligne (web)
- SR/AA, "Sindicato exige pagamento de quatro meses de salários em atrasos aos novos professores recrutados", inforpress.cv, 2024/05/09, en ligne (web)
- anonyme, "SIPROFIS diz-se preocupado com professores com salário em atraso e sem cobertura do INPS", anacao.cv, 2024/05/10, en ligne (web)
- anonyme, "SINDEP surpreso por falta de resposta para salários em atraso", santiagomagazine.cv, 2024/02/15, en ligne (web)
- TC/AA, "Sindicato denuncia situação difícil dos professores devido à falta de cobertura do INPS e atraso salarial", inforpress.cv, 2024/02/05, en ligne (web)
- ET/HF, "PAICV acusa Governo de obrigar professores recém-contratados a assinarem contratos precários e de deixá-los sem salarios", inforpress.cv, 2024/02/01, en ligne (web)
Alors que penser d'un Gouvernement qui se réjouit entre-soi d'augmenter fortement les salaires des professeurs à partir de janvier 2025, mais qui n'est même pas, dans les faits bruts du monde réel, capable de payer les salaires d'avant PCFR, plus bas ? Est-ce prendre les professeur(e)s et le peuple pour des imbéciles ?
Et que dit le grand incompétent responsable de tout ceci, à savoir le ministre de l'Éducation, Amedeu Cruz, bonimenteur à la langue de bois d'ébenne ? Eh bien ! Le grand nul de chez les nuls qui (espérons-le) disparaîtra lors du remaniement ministériel en cours (on le verrait bien ambassadeur en RDC ou au Mozambique), Monsieur langue de bois, menteur et retor, continue, persiste et signe en faisant des promesses non tenues à l'avance, en blablatant à tout va et en presque niant tous les problèmes qu'il considère comme... mineurs. Faut dire que lui, il a son salaire tous les mois versé rubis sur l'ongle et son INPS payée presque un mois à l'avance, alors il ne voit pas vraiment le problème, mais il "promet une solution définitive". (web) Reste à savoir laquelle ? Et quand ?
Un peuple en colère contre son Gouvernement qui n'écoute rien ou comment faire naître le Trumpisme dans un pays merveilleux !
Les élections municipales de 2024 ont montré le niveau de colère du peuple.
Les organisation internationales spécialisées dans les classements étatiques mondiaux ou dans les statistiques d'opinion sur la politique, la démocratie, etc. ne cessent de dire que la gouvernance actuelle est rejetée par le peuple. C'est clair. C'est précis. Mais Ulysses reste dans le dénie. "Je suis le meilleur. Je sais ce qu'il faut. Je ne me trompe jamais. J'ai raison. Moi seul ai raison..."
Rien n'y fait quoi qu'i se passe car, comme il l'a lui-même déclaré à la presse, au final, Ulysses seul décide. Le peuple ne sait pas ce qu'il veut. Le peuple ne comprend rien à la gestion du pays, à l'économie mondiale, à la politique intérieure, à la vie. Aussi Ulysses poursuit, content de lui, contre vents et marées, persuadé d'être dans le vrai, dans le juste, dans la connaissance du bon chemin. Il suffit d'augmenter les salaires et le peuple se taira. Après tout, tout ce qui intéresse le peuple, c'est l'argent, plus d'argent.
Sauf que Ulysses ne comprend rien au peuple. Il a oublié qu'il en est issu. Il a oublié ce qui prévaut dans la vie du peuple. Il a oublié que ce n'est pas toujours plus d'argent dont le peuple à besoin, mais juste de quoi vivre, se loger, se nourrir, se soigner, payer les études des enfants et se divertir un peu. Trump et les dirigeants des GAFAM, eux, veulent toujours plus d'argent. Ca c'est un fait. Mais le peuple cabo-verdien, lui, ne souhaite qu'une vie meilleure, plus facile et un avenir pour leurs enfants. Ce n'est pas la même chose. Un homme qui détient à lui seul 300 milliards de dollars et qui en veut encore plus, alors qu'il a déjà excessivement trop, n'a rien à voir avec celui qui a peu ou rien et qui souhaite avoir de quoi manger et protéger ses enfants, n'est-ce pas Monsieur le Premier ministre du Cabo Verde ? Je me trompe ou serais-je moi aussi dans l'erreur ?
Alors Ulysses tout content de lui augmente les professeur(e)s pensant que ceci résoudra tout.
Alors Ulysses augmente le salaire minimum qui passe à 17'000 escudos pour le privé contre 19'000 escudos pour le publlic, car les gens doivent gagner plus d'argent. C'est simple, non ?
Alors le peuple, ce même peuple cabo-verdien, habituellement si calme et placide, gentil et généreux, se réveille. Il vote PAICV pour dire sa colère. Il proteste et s'indigne comme les peuples d'Europe et du monde.
Pour des choses simples, il manifeste, ce peuple qui normalement se tait et subit. Il se lève et se pose des questions aussi essentielles que celle-ci (web): pourquoi les travailleurs du public qui ne travaillent que 5 jours par semaine, qui ont la sécurité de l'emploi et des jours fériés réellement congés et payés (sans oublier qu'ils passent bien souvent plus de temps à la maison qu'au bureau, on en a assez fait l'amère expérience), pourquoi ces travailleurs gagnent-ils désormais au minimum 19'000 escudos, alors que les travailleurs du privé, ces petites mains conditionnées à nettoyer, à servir, à vendre, ou qui creusent ou avalent la poussière en plein soleil sans une goutte d'eau fraîche à portée de la main, et qui travaillent 6 jours par semaine, parfois même 7, avec des salaires qui ne sont versés que quand le patron le veut (faute de contrôles effectifs et suivis du Ministère du travail qui ne travaille pas), pourquoi ces travailleurs ne doivent toucher que... 17'000 escudos ? Qu'en est-il de l'égalité ? Qu'en est-il de la justice sociale ? Qu'en est-il du respect des petites gens ? Des pauvres ? Car gagner 17'000 escudos au Cabo Verde, c'est être pauvre, pas extrêmement pauvre, mais pauvre. Un logement, c'est 15'000 à 20'000 escudos de location par mois au minimum. Trouver moins cher, c'est du bidonville. On vous épargne le coût de la vie, le prix de plus en plus inabordable des produits de première nécessité, de l'essence, des transports... Au final, un salaire minimum, même augmenté, permet tout juste de se loger au Cabo Verde.
Alors, on le voit bien, cher Ulysse, augmenter les salaires n'est pas tout. Encore faut-il le faire avec intelligence ? L'augmentation des 19'000 escudos n'aurait-elle pas dû être pour les travailleurs du privé et celle de 17'000 pour ceux du public ? Quelle argumentation fallacieuse peut-on bien rétorquer à ceci ?
Une lueur d'espoir...
Alors oui, on ne peut pas résoudre tous les problèmes d'un coup de baguette magique. On en convient. Il faut du temps. Il faut faire des choix. Il faut prendre des risques. Mais on le voit aussi très très clairement depuis une dizaine d'années, ces mêmes années où Ulysses Correia e Silva est au pouvoir, à la tête de l'exécutif, on voit que les choses empirent. Alors que notre cher Ulysses et ses compères du MpD, eux, ne le voit pas, malgré les dernières élections municipales, malgré les classements mondiaux ou les statistiques d'opinion, malgré les grèves toujours plus nombreuses au Cabo Verde des travailleurs du public comme du privé. Non Ulysses ne veut rien voir et joue à l'autruche, la tête bien enfoncé dans le sable à appliqué la méthode Coué.
Heureusement, parfois, de bonnes nouvelles arrivent grâce aux bonnes volontés et aux intelligences de l'étranger, car Ulysses sait écouter l'étranger surtout si celui-ci finance ses projets. C'est la sacro-sainte règle du "nul n'est profète en son pays" en quelque sorte.
Grâce à l'aide américaine du Millennium Challenge Corporation (MCC), Ulysses a enfin décidé de lancer une étude sur ce que veulent, ce qu'attendent les jeunes cabo-verdien(ne)s. Enfin ! (web)
49'000 d'entre-eux sont hors marché du travail, de l'éducation et de la formation. Plus encore, une partie toujours plus importante des jeunes souhaitent émigrée afin de trouver un travail stable et d'avoir une vie décente faute de pouvoir l'avoir ici, au Cabo Verde. Et là où la chose est la plus incompréhensible, c'est que ces jeunes qui ne travaillent pas ni n'étudient pas ou plus ne sont pas forcément non éduqués. De plus en plus de jeunes diplômés se retrouvent sans travail à la fin de leurs études, une fois leur diplôme en poche. A quoi bon alors tous ces sacrifices (les études ça coûte cher même au Cabo Verde), toutes ces années de dur labeur (entre étude et petits boulots) pleines d'espoir d'avoir un bon travail le diplôme obtenu si au final, on se retrouve au chômage ? Comment croire en l'État ? Comment faire confiance au Gouvernement et au monde politique ? Les sondages d'opinion sont très clairs : la confiance d'étiole toujours plus vis-à-vis des institutions publiques au Cabo Verde. La défiance grandit, avec sa ribambelles de conséquence nauséabondes : populisme, violence, drogues, suicides... Dans ce petit paradis sur Terre où il devrait faire si bon de vivre, s'échapper du réel par tous les moyens jusqu'à se donner la mort devient la meilleure option. Quel gâchis !
Alors oui, c'est enfin, une excellente chose que le Gouvernement se lance dans une étude sur les attentes de la jeunesse de l'archipel. Il était grand grand temps, car nous, cela fait depuis 2018 qu'on le dit. Mais bon, mieux vaut tard que jamais.
Cependant, nos discussions sur ce sujet avec des Cabo-Verdien(ne)s de notre entourage nous laissent perplexes. Pourquoi me direz-vous ? Eh bien ! Parce que si nous, nous sommes extrêmement enthousiastes à l'annonce de cette étude qui devrait donner ses résultats en septembre 2025 déjà, ces Cabo-Verdien(ne)s, eux, ne le sont pas, mais alors pas du tout. Ils/Elles nous expliquent qu'en fait, c'est toujours la même histoire. Cette étude va considérer les jeunes proches du pouvoir. Elle va rester dans l'entre-soi des nantis, des enfants de -. Pour nos Cabo-Verdien(ne)s, cette étude va "oublier" l'essentiel des jeunes, ceux des banlieues, ceux des îles oubliées (Brava, Sào Nicolau, Fogo, Santo Antão, Maio...), ceux qui ne comptent pas aux yeux des dirigeants, des politiques... Comme cela est toujours le cas, nous explique-t-on, l'étude, l'aide est toujours pour les proches du pouvoir, de l'État tout autant que des milieux économiques. Un enfant de ministre, de directeur d'agence publique, de députés, de président de câmara ou de banquier n'aura aucun problème pour avoir un visa pour étudier à l'étranger ou de bourse pour étudier dans le pays ou monter sa société. Au contraire, on ira même le chercher, alors que c'est justement celui qui aura le moins le besoin d'aide. Et donc les Cabo-Verdien(ne)s avec qui nous avons discuté estiment que cette étude sur les jeunes est en fait biaisée d'office, car elle sera faite au plus près de la sphère politique ou l'intelligentsia cabo-verdienne. Elle ne va pas allez voir de manière conséquente et volumineuse, généraliste si l'on peut dire, auprès des jeunes des quartiers difficiles de Praia ou de Mindelo, ou ceux des territoires enclavées ou éloignés de Corvo ou Monte-Trigo, inaccessibles par voiture. Elle n'ira pas demander à ceux qui ont vraiment quelque chose à dire. Elle demandera à ceux qui ont déjà tout ou pourrait tout avoir à portée de main.
Aussi, espérons que le Gouvernement d'Ulysses Correia e Silva et l'équipe en charge de l'étude, les Américains tout autant que l'INE, seront à même de dépasser leurs habitudes, d'aller voir là où les difficultés sont, de développer leur étude sur un échantillon le plus large possible, sur toutes les îles, dans tous les milieux, des ultra-pauvres ou ultra-riches. Alors oui, là, on pourra avoir un résultat intéressant, utilisable, qui aura une véritable valeur pour améliorer la vie des Cabo-Verdien(ne)s d'aujourd'hui, mais plus encore de demain. Dans le cas contraire, le Cabo Verde suivra le chemin du reste du monde entre populisme et néo-fascisme conservateur. La bêtise crasse sans intérêt.
La lueur d'espoir d'un monde meilleur existe donc bien au Cabo Verde. Parviendra-t-elle à illuminer l'archipel de ses milles feux ? Qui sait ?
Christophe Chazalon
Genève, 26/01/2025
Amilcar Cabral: leçons oubliées par nos dirigeant(e)s (2024)
Le Cabo Verde est un petit pays au milieu du monde. Il est aujourd'hui connu grâce à deux personnages emblématiques et véritables icônes nationales et internationales. D'une part, la "diva aux pieds nus", Cesaria Évora, qui a permis au monde entier de placer l'archipel sur la mappemonde, tout en en faisant connaître la culture. D'autre part, le révolutionnaire généreux de la Tricontinentale, Amílcar Cabral, qui en des temps opportuns a permis au peuple cabo-verdien et à d'autres peuples opprimés par l'Occident colonisateur de s'émanciper et de trouver, non sans difficultés, leur propre chemin.
Au Cabo Verde, le nom de ce second personnage est sur toutes les lèvres des politicien(ne)s, qu'ils soient au Gouvernement MpD ou dans l'opposition PAICV - UCID. Pourtant, combien d'entre eux/elles ont réellement lu ses écrits ? Assurément très peu, car s'ils/elles l'avaient fait, ils/elles en auraient peut-être encore les leçons en tête. Ainsi, en un seul texte, nous avons retenu trois petites phrases pour donner un exemple de la richesse de ce patrimoine devenu mondial (web) et qui pourtant est issu des rangs mixtes de la cabo-verdianité et de l'univers bissao-guinéen. Ce texte n'est autre qu'une directive politique pour les membres du PAIGC, datant de 1965 (Basil Davidson, The liberation of Guiné. Aspect of an African revolution, Harmondsworth: Penguin Books, 1969, p. 126-128, traduction française):
- "Gardez toujours à l'esprit que les gens ne se battent pas pour des idées abstraites, pour des choses dans la tête de quelqu'un. Ils luttent pour obtenir des avantages matériels, pour vivre mieux et en paix, pour voir leur vie progresser, pour garantir l'avenir de leurs enfants."
- "Créez des écoles et diffusez l'éducation dans toutes les régions libérées. [...] Contestez sans violence toutes les coutumes préjudiciables, les aspects négatifs des croyances et des traditions de notre peuple. Obligez chaque membre responsable et instruit de notre Parti à travailler quotidiennement pour l'amélioration de sa formation culturelle."
- "Exigez des membres responsables du Parti qu'ils se consacrent sérieusement à l'étude, qu'ils s'intéressent aux choses et problèmes fondamentales de notre lutte et vie quotidienne, et pas seulement dans les apparences. Apprenez de la vie, apprenons de notre peuple, apprenons de livres, apprenons de l'expérience d'autres. N'arrêtez-jamais d'apprendre!"
Ce ne sont là que de simples phrases, mais il serait bien que les politicien(ne)s cabo-verdien(ne)s (et du reste du monde) les lisent, les assimilent et ne les oublient pas. Peut-être, alors, arriveront-ils/elles à proposer à leur peuple une politique digne de ce nom, une véritable gouvernance viable et responsable, et non pas les balais idiots de politique politicienne actuelle qui, quelque soit l'alternance, se résument toujours à: "c'est nul ce que vous faites, nous on ferait mieux!". Il suffit de lire les manchettes d'Inforpress, au Cabo Verde, pour voir le spectacle navrant des nos hommes et femmes politiques. Pour le MpD, le message est toujours "on fait tout très bien, y a des petits problèmes, mais ça reste du très bon travail" même quand les événements disent exactement le contraire (TACV, Icelandair, Bestfly, CV interilhas etc.). Pour le PAICV, voire l'UCID, la rengaine est systématiquement la même "Le gouvernement MpD fait n'importe quoi. Ils sont nuls". Mais où sont les propositions concrètes du PAICV et de l'UCID? Où sont les solutions réalistes et fonctionnelles? Nulle part. On a beau lire et relire les articles publiés par les médias locaux et nationaux, c'est toujours le même disque, sempiternellement, de la critique sans suite, juste valable pour elle-même. Et après, on s'étonne que les gens ne votent plus. Et après, on s'étonne que les gens disent de plus en plus souvent "de toute façon, ce sont tous les mêmes, ils/elles ne pensent qu'à s'en mettre plein les poches". Et après, on s'étonne que le populisme augmente et que la violence bête et méchante s'installe dans les rues, que les gens ne discutent plus, non pas parce qu'ils/elles n'ont plus la parole. Non! Mais simplement parce que les gens ne savent plus discuter, débattre, échanger des idées, suivant en cela l'image de leur gouvernant(e)s. L'image renvoyée par le monde politique au Cabo Verde est désolant, semblable à celui qui se généralise sur la planète partout où le peuple peut encore s'exprimer. L'image renvoyée par les politicien(ne)s est vide de sens car il n'apprend rien de nouveau, il n'apporte rien aux préoccupations légitimes de la population, celles dont parle Amílcar Cabral dans les extraits ci-dessus. C'est une image pitoyable rejetée sèchement par le peuple car elle ne répond plus à ses attentes. Le peuple, las, se détourne de la politique et donc, de facto, la démocratie sombre. Un exemple vous est utile? Très bien! C'est simple. Le peuple se fiche de savoir comment le Gouvernement gère les transports aériens et maritimes au Cabo Verde. Ce que veut le peuple, encore une fois, de la manière la plus légitime qui soit, c'est qu'il existe sur le territoire des transports maritimes ou aériens fonctionnels, qui lui permette d'aller d'une île à l'autre, de parcourir le pays pour le travail, les loisirs, la famille. Qu'importe toutes les tractations, les difficultés et écueils rencontrés par le Gouvernement. Qu'importe les critiques de l'opposition qui ne propose absolument rien pour améliorer la situation. Le peuple veut juste pouvoir voyager dans le pays et à un prix raisonnable. C'est tout. Le rôle du Gouvernement et de l'opposition est simplement que cela se réalise. C'est tout. Or, aujourd'hui, au Cabo Verde, force est de constater que les politicien(ne)s de l'archipel, Gouvernement tout autant qu'opposition PAICV - UCID en sont totalement incapables, tous ensembles. Ils/elles sont tous fautifs. Encore une fois, le peuple est las de ces discussions stériles, de ces guéguerres futiles dignes des cours d'école du primaire qu'offrent les hommes et femmes politiques de ce pays, surtout en période d'élection comme aujourd'hui (les municipales sont prévues pour cet automne). Il n'est que de prendre la situation de la camâra municipale de Praia pour laquelle la joute politique MpD / PAICV est d'un ridicule sans fin, ou pire encore celle de Mindelo-São Vicente, ingérable depuis deux ans à cause d'une cohabitation impossible face à un président de câmara obtus et incapable de dialoguer, vivant aux limites de l'autocratie. Ces deux villes, les principales du Cabo Verde, offrent un spectacle pathétique, ridicule et clairement antidémocratique. La solution est pourtant simple: quand on n'est pas capable de gouverner, on démissionne (ou on se fait virer par son parti), ce qui permet la mise en place de nouvelles élections qui offrent légitimement la parole au peuple, le véritable souverain.
Alors Mesdames et Messieurs les politicien(ne)s du Cabo Verde, retournez aux sources, même si elles sont révolutionnaires, et relisez l'oeuvre généreuse et tournée entièrement vers le peuple, votre supérieur hiérarchique qui vous élit, et par là-même vous accorde sa confiance, enlevez ce qui peut déranger, si vous le souhaitez, de politique communiste dans ces écrits, peu importe. Cabral faisait une révolution en profondeur. Il tendait vers le socialisme car c'est ce qui permettait, à l'époque, d'aider le peuple en opposition aux colonisateurs conservateurs et racistes de droite. Et en relisant simplement les textes quelque peu auto-expurgés par le lecteur ou la lectrice, car les temps changent et le Cabo Verde d'aujourd'hui n'a plus rien à voir avec le Cabo Verde de 1975 ou de 1991, en relisant les textes, retenez-en l'essentiel comme des guidelines qui vous aideront à faire de la "vraie" politique utile au peuple, pas des combats de coqs et de poules qui cherchent juste la réélection en vue d'une vie de privilèges, ce que vous faites actuellement. Il suffit de lire le post it suivant sur le ressenti de la population.
Les trois extraits cités en ce début de post it sont éloquents, exemplaires et emprunts d'une simplicité élémentaire qui montre à quel point l'oeuvre d'Amilcar Cabral peut être riche, qu'il est un exemple si ce n'est à suivre entièrement, du moins à méditer profondément !
Alors bonne lecture à toutes et tous, politicien(ne)s ou gens du peuple. Tout le monde a à gagner à lire les écrits d'Amilcar Cabral. Et au Gouvernement actuel de rééditer et diffuser cette oeuvre quand bien même elle n'est pas néo-libérale dans l'âme. Il ne suffit pas de faire l'éloge d'un grand homme pour dire qu'on connaît sa pensée, qu'on sait de quoi il parle, et par là-même, essayer de récupérer la force de son image pour son propre profit. Non! Il s'agit d'essayer de (re)découvrir les raisons qui font que la pensée de cet homme, un Cabo-verdien-bissao-guinéen, a eu et a toujours une telle ampleur, une telle envergure, une telle aura.
En septembre de cette année, le Cabo Verde devrait normalement célébrer les 100 ans de la naissance d'Amílcar Cabral.
Et pour sûr, l'année prochaine le Cabo Verde va fêter ses propres 50 ans de liberté et d'indépendance.
Aussi, tou(te)s les politicien(ne)s vont parler d'Amílcar Cabral à tout va, à tout propos. Tou(te)s, sans exception. Il serait peut être bien aussi qu'ils/elles aient réellement (re)lu l'oeuvre de ce Grand Homme!
Ce serait un mensonge de moins offert au peuple!
Christophe Chazalon
Genève, 21/05/2024
